Lancée depuis Ségou en août 2023, l'offensive militaire a débuté par l'attaque de postes frontaliers tenus par les mouvements de l'Azawad. Les forces armées maliennes et leurs alliés ont ensuite mené une série de raids meurtriers dans les villages, s'en prenant spécifiquement aux populations peulh, arabe et touareg.
Les témoignages recueillis font état d'un schéma récurrent d'atrocités :
Des centaines de civils ont été massacrés, souvent de manière particulièrement cruelle. Les biens des populations civiles ont été systématiquement pillés et détruits, privant les communautés de leurs moyens de subsistance. Les sources d'eau ont été contaminées, mettant en péril la santé de milliers de personnes. Des cas de mutilations, de piégeage de cadavres et de viols ont été rapportés.
Face à ces atrocités, la communauté internationale et régionale semble impuissante ou indifférente. Le silence des acteurs clés permet à ces crimes de se perpétrer en toute impunité.
Cette escalade de violence menace non seulement la paix et la stabilité en Azawad, au Mali, mais également dans toute la région du Sahel. Elle risque de provoquer de nouvelles vagues de déplacements de populations et d'alimenter les tensions intercommunautaires
L'ensemble des actes énumérés dans cet article peuvent constituer des preuves d'un génocide.
Chronologie des événements de juillet 2024 :
Le 02 juillet : Des hommes armés ont fait irruption dans un campement à Afalawlaw, situé à 20 kilomètres au nord-est de Gao, appartenant à des déplacés. Ils ont volé de l'argent et d'autres biens matériels.
Le 03 juillet : Deux fosses communes ont été découvertes après le passage de l’armée malienne et les mercenaires russes de Wagner, l'une à Tarbazé et l'autre à Issikad, non loin de la ville d'Abeïbara.
Le 06 juillet : Trois membres de la communauté arabe ont été arrêtés par les forces armées malienne et mercenaires russes de Wagner à Ménaka. Dans la même journée, Mohamed Ag Mohamed Ibrahim, un malade mental, ainsi que trois Peuls ont été retrouvés morts près de Niya, au sud de Léré dans région de Tombouctou, tués par forces armées maliennes et mercenaires russes de Wagner.
Le 07 juillet : Un civil a été tué et trois autres portés disparus, tandis que quatre civils, tous Touaregs et Arabes, ont été enlevés. Plusieurs campements ont été détruits et pillés, et un véhicule a été volé lors d'une opération menée par un convoi des mercenaires russes de la milice Wagner au nord de Léré.
Le 08 juillet : Environ 50 moutons ont été abattus par les forces armées maliennes et mercenaires russes de Wagner sur l’axe entre Inafarak et Adjelhok.
Le 09 juillet : Au moins six civils et deux militaires maliens ont été tués par un convoi des mercenaires russes de la milice Wagner à Takalot, situé à 40 km au sud de Kidal. Ce jour-là, des civils ont également été arrêtés et des biens pillés dans les zones de Tassik et Eferer par les mercenaires de la milice.
Le 10 juillet : Deux corps de civils ont été retrouvés sans vie à Ikadewane, dans la région de Ménaka après le passage de l’armée malienne et les mercenaires russes de Wagner.
Le 11 juillet : Les forces armées maliennes et mercenaires russes de Wagner ont commis des atrocités à Tinessako, exécutant plusieurs civils, dont Ebagraz Ag Mahamad (69 ans), Mohamed Ag Attiyoub (23 ans), Mossa Ag Attiyoub (12 ans), Mossa Ag Bakila (40 ans) et Mahmoud Ag Zaydoune (35 ans). Ils ont également massacré du bétail (vaches), pillé des biens et incendié un véhicule civil. Une fosse commune contenant cinq corps non identifiés a été découverte. De plus, un puits à Innoufassan a été empoisonné, entraînant la mort de chèvres et rendant plusieurs enfants malades. Après le départ du convoi de l'armée malienne et des mercenaires de Wagner, des explosifs ont été découverts cachés sous la tête d'une vache.
Le 15 juillet : Des terroristes de l'EIGS ont enlevé du bétail à Bazi Gourma.
Le 19 juillet : Plusieurs motos de l'EIGS ont été signalées à Tinaykaran, où plusieurs têtes de bétail ont été enlevées au sud d'Amasrakad. Ce jour-là, des motos affiliées à DAESH ont ouvert le feu sur des populations déplacées à la périphérie nord de Ménaka, causant la mort de sept civils, dont un mineur, et blessant deux autres, parmi lesquels deux personnes âgées et deux femmes.
Le 20 juillet : Deux Peuls et un Touareg ont été exécutés à Bokouma, dans le Méma, par l'armée malienne.
Le 22 juillet : Les forces armées maliennes et mercenaires russes de Wagner ont exécuté deux civils près de Goundam (Tombouctou) et arrêté un autre. Ce même jour, ils ont pillé les biens des civils à Inafarak (Tessalit) avant de s'éclipser dans la zone. Deux civils à Elewidj, près d'Adjelhok, ont également été exécutés alors qu'ils cherchaient un enfant perdu.
Le 23 juillet : Un vieux et son neveu ont été exécutés par les forces armées maliennes et mercenaires russes de Wagner près d'Achibrich sur la route de Tinzaouaten.
Le 24 juillet : Des centaines d'animaux de la communauté Daoushaq ont été emportés par l'EI-S dans le secteur d'Achibagho. Les forces armées maliennes et mercenaires russes de Wagner ont violé deux femmes et brûlé une autre près de Boghassa.
Le 25 juillet : les forces armées maliennes et mercenaires russes de Wagner ont exécuté deux civils près de Tamassahart sur la route de Tinzaouaten.
Le 28 juillet : À Tombouctou, une patrouille des forces armées maliennes a ouvert le feu sur Aziz Ag Houloulou et son compagnon Oumar Ould Youba, les blessant.
Le 30 juillet : Un drone du Burkina Faso a effectué cinq frappes aériennes contre des orpailleurs de plusieurs pays africains dont des soudanais, des tchadiens, nigériens etc… à Inatiyara près de Tinzaouaten, causant plus de 50 morts.
Chronologie des événements d'août 2024 :
Le 02 août : Un convoi des forces armées maliennes et mercenaires russes de Wagner est arrivé au village de Touzek, dans la région de Kidal, où ils ont saccagé tout le village, emportant tous les biens trouvés dans les boutiques. Ce même jour, trois corps sans vie ont été retrouvés à Inbater, près de Kidal. Les victimes, Baye Ag Biga, Akli Ag Albisati et Atola Ag, avaient été arrêtées par Wagner à Ibdakan en décembre dernier. Halatassan Ag Rhissa a également été arrêté arbitrairement à son domicile à Ménaka par des unités de Wagner vers 19h.
Le 05 août : Vers 13h50, un drone a effectué quatre frappes entre Boghassa et Touksemen (Kidal), touchant un véhicule pick-up de type 45 et un groupe de motos, toutes des cibles civiles.
Le 06 août : Des drones maliens ont mené des frappes à Inatiyara dans la région de Tinzaouaten, ciblant des orpailleurs.
Le 09 août : les forces armées maliennes et mercenaires russes de Wagner ont fait irruption à Tassik, vandalisant les centres commerciaux, emportant un véhicule civil et incendiant un autre. Le même jour, elles ont exécuté quatre civils (deux Peuls, un Arabe et un Touareg) à Inrarsa, au sud-ouest de Nampala, à la frontière mauritanienne.
Le 10 août : Plusieurs civils, dont Alla Ag Andola et Ehya Ag Ahmadou, ont été arrêtés par les forces armées maliennes et mercenaires russes de Wagner près de Larneb à la frontière mauritanienne.
Le 12 août : Les forces armées maliennes et mercenaires russes de Wagner ont arrêté arbitrairement Mohamed Ag Agaly, un humanitaire travaillant pour Médecins Sans Frontières, à son domicile à Kidal.
Le 14 août : Six jeunes Touaregs civils ont été arrêtés à Emnaghil, Gao, où les forces les forces armées maliennes et mercenaires russes de Wagner ont également saccagé des boutiques avant de quitter la zone.
Le 15 août : Deux civils, Choghib Ag Atti et Oukana Ag Baba, ont été tués à Ibdakan dans la région de Kidal par une patrouille de l'armée malienne et des mercenaires russes de Wagner.
Le 16 août : Trois civils ont été tués par des éléments de Daesh à Gounzouray, près de Gao.
Le 18 août : Une fosse commune a été découverte à Eghaf, près d'Elewidj, dans la vallée d'Eghachar Sadidan, à 25 km au nord de Kidal. Les corps ont été retrouvés après le passage d'une forte coulée d'eau. Les victimes sont des civiles tuées par les mercenaires russes de la milice de Wagner.
Le 17 août : Deux enseignants du Centre d’Animation Pédagogique de Niafunké, Bokary Kisso Bokoum (directeur d’école à Arabebe) et Ousmane A. Daou (directeur d’école à Goundam Teskel), ont été enlevés à Arabebe le 15 août par des hommes armés non identifiés. Leurs corps sans vie ont été retrouvés le 17 août.
Le 19 août : Vingt personnes, dont des femmes, ont été arrêtées par les forces armées maliennes et mercenaires russes de Wagner à Tessalit. Ce même jour, plus de cinq personnes ont été arrêtées à Goundam par l'armée malienne et les mercenaires russes de Wagner.
Le 20 août : Vers 14 heures, des hommes armés non identifiés ont enlevé un troupeau de vaches et de petits ruminants appartenant aux habitants du village de Baji-Haoussa et d'Ansongo. Les assaillants ont intimé aux bergers de conduire les animaux vers une destination inconnue, mais les ont relâchés plus tard sans violence physique.
Le 23 août : Un convoi de motos des mercenaires russes de Wagner a tragiquement causé la mort de dix civils Peuls entre Nampala et Foita, le long de la frontière mauritanienne.
Le 25 août : Un drone de l’alliance des Etats du sahel (AES) a effectué deux frappes à Ikharabane dans la région de Tinzaouaten, sur la ligne frontière avec l'Algérie, causant la mort de plus de 27 civils, dont 11 enfants, et endommageant une pharmacie.
Le 27 août : Un drone malien a effectué des frappes depuis un endroit proche d'Indak, ciblant un véhicule civil chargé d'eau pour les déplacés à Tinzaouaten.
Chronologie des événements de septembre 2024 :
Le 02 septembre : Les terroristes de l'État islamique au Sahel (EI-S) ont emporté des centaines de bétails autour de la mare de Tin Tamaten, près d'Intahaka.
Le 03 septembre : Les mêmes terroristes ont incendié un site d'orpaillage à Intahaka, causant d'importants dégâts matériels.
Le 05 septembre : Une moto tricycle a sauté sur une mine à 15 km de Kidal, en direction d'Aklahane. L'accident a coûté la vie à deux fillettes, un garçon et un vieillard de 70 ans, nommé Baba Ag Alhamis. Trois autres enfants ont été grièvement blessés.
Le 07 septembre : le maire de Soboundou a été arrêté à Niafunké par l'armée malienne.
Le 10 septembre : les forces armées maliennes et mercenaires russes de Wagner ont ouvert le feu sur une foule lors d'un mariage près de Tagadou, dans la ville de Gao, faisant plusieurs morts et blessés, y compris des civils et des membres de milice malienne du MSA-D.
Le 14 septembre : Un camion transportant de l'essence et un véhicule 4x4 ont été frappés par un drone des forces armées maliennes et mercenaires russes de Wagner à Zarho, dans la région de Tombouctou, causant la mort de sept personnes, dont une femme et deux enfants.
Le 15 septembre : Une frappe de drones turcs a ciblé un véhicule civil à Inelalane, à 4 km à l’ouest de Talabit, près de Kidal, sans faire de victimes.
Le 16 septembre : Les forces armées maliennes et Wagner ont arrêté Habi Ag Khalid, un ancien acteur de la paix, au carrefour de Gossi. Cet homme était connu pour son engagement en faveur de la paix et de la réconciliation.
Le 18 septembre : Bakaye Ag Ayad, un membre de la garde nationale, a été lynché par la population à Bko vers 16h. Ce même jour, Sidi Lamine Ould Sidieely Reggady, un Arabe originaire de Tombouctou, a disparu à Bamako, probablement lynché par une foule raciste.
Le 19 septembre : À Haoussa Foulan, des éléments de l'État islamique (EIGS) ont emporté des animaux, tandis que de nombreuses personnes ont perdu argent et téléphones entre Gao et Ansongo.
Le 21 septembre : Alkassim Ag Mossa a été arrêté à Gossi par une patrouille de l'armée malienne. Il était accompagné de son épouse malade, contrainte de retourner au village sans recevoir de soins.
Le 22 septembre : Un drone malien a mené une frappe aérienne à 60 km à l'est d'Abeïbara, visant un camion civil en panne utilisé par la population pour chercher de l'eau.
Le 23 septembre : L'État islamique a exigé 180 millions de FCFA de rançon pour la population de Gabero, menaçant de déplacements en cas de refus.
Le 24 septembre : Dix civils Touareg ont été arrêtés par l'EI entre Gao et Intahaka. Halalou Ag Aghazaf a également été arrêté par les mercenaires de Wagner et leurs supplétifs à Tombouctou.
Le 26 septembre : Des véhicules personnels, des transports en commun et des motocyclistes sur l'axe Gao-Ansongo ont été victimes de braquages perpétrés par des hommes armés à Kobé. Les assaillants ont dérobé argent, téléphones et autres objets de valeur, violentant certains passagers, y compris des femmes et des enfants. Les victimes ont exprimé leur désespoir, ne voyant d'autre recours que leur foi en Allah.
Le 27 septembre : Les forces aériennes maliennes ont effectué une frappe de drone sur le marché de Fifo, causant des morts et des blessés parmi les civils.
Les événements survenus en Azawad au cours des mois de juillet, août et septembre 2024 révèlent une situation sécuritaire extrêmement préoccupante, marquée par une escalade de la violence et des violations graves des droits de l'homme. Les civils, notamment les communautés peules, arabes et Touaregs, sont les principales victimes de ces exactions.
Les acteurs impliqués dans ces violences sont multiples :
- Les forces armées maliennes et les mercenaires de Wagner : Ces acteurs sont responsables d'une grande partie des exactions, notamment des exécutions extrajudiciaires, des arrestations arbitraires et des pillages.
- Les groupes armés extrémistes : L'État islamique au Sahel (EIGS) et d'autres groupes armés sont également impliqués dans des attaques contre les civils et des pillages.
Les conséquences de ces violences sont désastreuses :
- Déplacements de population : Des milliers de personnes ont été contraintes de fuir leurs foyers, aggravant la crise humanitaire.
- Insécurité alimentaire : Les pillages de bétail et les destructions de cultures ont réduit l'accès à la nourriture pour de nombreuses populations.
- Erosion de l'État de droit : L'impunité dont bénéficient les auteurs de ces crimes renforce l'insécurité et fragilise davantage le Sahel.
Cette situation a des implications régionales et internationales. La dégradation de la sécurité en Azawad a des répercussions sur les pays voisins et favorise la propagation du terrorisme dans la région du Sahel.
Il est urgent que la communauté internationale agisse pour :
- Mettre fin aux violences : Exiger un cessez-le-feu immédiat et le retrait des mercenaires de Wagner.
- Protéger les civils : Déployer des mécanismes de protection pour les populations civiles les plus vulnérables.
- Lutter contre l'impunité : Soutenir les enquêtes sur les crimes commis et traduire en justice les responsables.
- Favoriser un dialogue inclusif : Encourager toutes les parties prenantes à s'engager dans un dialogue constructif en vue d'une solution politique durable.
L'inaction de la communauté internationale risque d'aggraver encore davantage la situation et de plonger le Sahel dans un cycle de violence sans fin.